Décret Arguin : Pourquoi ce n’est pas possible
Le 10 mai 2017, le décret n° 2017-945 portant extension et modification de la réserve naturelle nationale du banc d’Arguin était publié. En vigueur dès le lendemain, le cadeau de départ empoisonné de Ségolène Royal et Bernard Cazeneuve a suscité l’incompréhension des professionnels du nautisme, des ostréiculteurs et de nombreux usagers du Bassin d’Arcachon. Retour sur un décret polémique.
Un décret publié dans l’urgence : du travail bâclé
Après l’élection du président de la République le 7 mai, le précédent gouvernement avait ensuite quelques jours pour démissionner. C’est chose faite 3 jours plus tard, soit le 10 mai : également la date de publication du décret Arguin. Ce décret est donc l’une des toutes dernières actions du gouvernement Cazeneuve avant de rendre les clés du pays.
Bernard Cazeneuve et Ségolène Royal
Nous pouvons donc nous poser de nombreuses questions sur ce decret. A-t-il été suffisamment travaillé ? Le gouvernement a-t-il pris le temps d’identifier tous les points de vue et toutes les problématiques ? Les signataires ont-ils estimés les conséquences d’une telle réglementation ? Aussi, il ne s’appuie pas sur des enquêtes fiables en terme de chiffres de fréquentation, ni aucune statistique caractérisant les nuisances des plaisanciers. Ce texte n’est en réalité fondé sur aucune preuve tangible.
Nous avons le sentiment que ce décret est identique aux exercices de mathématiques de nos enfants lorsqu’ils sont effectués dans le bus, entre 7 heures et 8 heures du matin, alors que la classe est à 9 heures. Il est bâclé, fait dans l’urgence et ne concilie en aucun cas les différentes parties autour d’un projet abouti. Résultat ? 4/20 pour nos enfants et, dans notre cas, une réglementation sauvage bridant les usagers du Bassin d’Arcachon.
Des décisions qui n’en sont pas
Pour preuve, l’ancien gouvernement n’a pris aucune décision sur la pêche, sinon de l’interdire en attendant l’avis d’un nième acteur. En effet, l’article 7 du décret interdit « de porter atteinte de quelque manière que ce soit aux animaux non domestiques » (interdisant donc la pêche).
Cependant, l’article 12 du décret stipule : « En dehors des zones de protection intégrale, l’exercice de la pêche, y compris sous-marine ou à pied, peut être autorisé par arrêté préfectoral après avis du conseil scientifique de la réserve ». Fort heureusement, début août, le préfet a publié un arrêté autorisant la pêche dans la RNN. Seulement, cet autorisation n’est que temporaire et n’a cours que jusqu’au 31 décembre 2017. Après, il sera nécessaire d’obtenir une nouvelle autorisation : une solution sans garantie durable. C’est donc toute l’activité piscicole du Bassin d’Arcachon qui est impactée. Vous avez dit décret liberticide ? Ce n’est pas tout.
Pêcher et/ou ramasser des coquillages et moules est interdit dans le périmètre de la RNN sans avis du préfet
Un décret liberticide
Premièrement, le décret du 10 mai 2017 étend de 2000 hectares le périmètre de la réserve d’Arguin, qui voit donc sa surface doublée par rapport à l’ancien décret. Il est défini une zone de protection renforcée englobant l’ensemble des terres émergées à marée haute (coefficient 45) avec autour d’elle une zone d’un mille nautique et une zone de protection intégrale avec un balisage spécifique.
Le nouveau périmètre de la RNN Arguin
Cette zone restrictive est évidemment accompagnée de son lot d’interdits :
- Interdiction totale du stationnement, du mouillage et de la circulation des personnes sur l’estran et les terres de nuit. Il ne sera plus possible de passer la nuit à bord d’un navire.
- Interdiction de la pêche de loisir et professionnelle + Interdiction du surf-casting comme vu précédemment
- Interdiction de la pratique du kite-surf
- Mise en place de zones de mouillages (restant encore une fois à définir par le préfet). Le mouillage libre et dispersé est interdit.
- Organisation de réunions interdite sur l’ensemble du territoire de la réserve : il ne sera plus possible d’organiser des sorties en nombre dans la zone
- Vitesse limitée à 5 nœuds sur l’ensemble du nouveau périmètre, sauf dans les passes
Le décret Arguin s’ajoute à de nombreuses contraintes et séries d’interdiction sur le Bassin d’Arcachon pour les plaisanciers, pêcheurs, ostréiculteurs et amateurs de sports nautiques.
Le mouillage au Banc d’Arguin soumis à de fortes contraintes et interdictions
Un décret déséquilibré et discriminatoire stigmatisant particulièrement les plaisanciers
Encore une fois, ce sont donc les catégories ci-dessus qui sont ciblées par les mesures de restriction. Pour une très faible minorité de personnes au comportement irrespectueux (sono à volume élevé sur le Banc d’Arguin, vitesse élevée, jet ski à 300 m des oiseaux, etc.), c’est toute la communauté de plaisanciers du Bassin d’Arcachon, composée dans sa très grande majorité d’usagers respectueux de l’environnement et du Bassin d’Arcachon, qui est impactée. Un tel décret n’est pas la solution à ce problème.
Ce que nous pouvons toutefois constater est la stigmatisation constante des plaisanciers sur le Bassin d’Arcachon alors que les supposées nuisances sont indémontrables. L’accumulation des contraintes, interdits et diverses taxes pour les usagers n’est pas tolérable. De plus, ce décret est discriminatoire pour la majorité des habitants du Bassin d’Arcachon.
En effet, l’article interdisant le mouillage réserve l’accès à Arguin aux plaisanciers les plus proches bénéficiant de zones de mouillage ou de ports en pleine eau. Tout le Nord Bassin (à 21 km env.), Le Petit Piquey, Claouey, Le Teich et tous les ports de Gujan-Mestras et de La Teste équipés de ports asséchants dépendent des contraintes des marées, limitant ainsi à quelques jours par mois (14 jours maximum) la possibilité d’y passer 6h maximum d’affilée et encore moins pour les voiliers. Tout cela, bien entendu, sans penser aux effets pervers. La consommation d’essence devrait, par exemple, exploser puisque les allers-retours se multiplieront avec les contraintes des marées.
Un décret restrictif pour la majorité des habitants du Bassin d’Arcachon
De plus, un grand nombre d’articles ou parties d’articles comportent des restrictions de liberté d’usages qui portent gravement atteinte à nos traditions et à notre économie locale.
De nombreuses actions tentées pour faire bouger les choses
Depuis la publication de ce décret, de nombreuses actions ont été tentées pour établir un dialogue dans le but d’obtenir une conciliation. Ce décret a visiblement été pensé à la va-vite sans tenir compte des conséquences sur les usagers du Bassin d’Arcachon (économie, liberté, stigmatisation, contraintes, etc.) : un comble.
Des manifestations pacifistes ont donc été organisées depuis le 10 mai : une en juin, une autre en août ainsi que de nombreuses opérations de communication (distribution de tracts, opérations parasols, etc.).
Nous souhaitons faire changer les choses. La situation ne peut pas rester telle quelle et il est nécessaire de trouver un compromis afin de préserver les intérêts de tous les usagers du Bassin d’Arcachon.
Ce que nous souhaitons
Dans notre sens, un compromis acceptable sauvegarderait en premier lieu les traditions et l’environnement du Bassin d’Arcachon. Il préserverait ensuite les libertés fondamentales et les intérêts des usagers de la plaisance afin que tous les usagers du Bassin d’Arcachon évoluent dans une bonne entente.
Pour cela, nous souhaitons promouvoir un comportement responsable et respectueux de notre environnement. Nous souhaitons également collaborer avec le Conseil de Gestion du Parc Naturel Marin du Bassin d’Arcachon.
Enfin, nous souhaitons que les plaisanciers ne soient plus stigmatisés tels qu’ils le sont actuellement (contraintes, taxes, interdits). Nous souhaitons trouver un compromis conciliant les intérêts de tous les usagers du Bassin d’Arcachon ainsi que l’avifaune. Le Banc d’Arguin doit rester un lieu ouvert à tous et synonyme de partage tout en ayant conscience de la fragilité de l’environnement et du site. Préservons le Banc d’Arguin et préservons nos libertés.
En tant que Président des Sentinelles du Bassin j’ai fait plusieurs propositions pour parvenir à un consensus notamment la mise en place d’un “permis Nature” qui serait obligatoire pour mouiller à la Réserve, de nuit comme de jour et qui s’obtiendrai en faisant un petit stage d’une demi journée de sensibilisation sur le terrain avec les gardes de la Sepanso. Ainsi cela permettrait de recréer du lien entre usagers et écologistes et d’impliquer d’avantage les plaisanciers au respect de cette Réserve. Notre association a également proposé de rajouter une contrainte de mouillage (uniquement pendant l’été) qui serait définie par les horaires des marées. Le but étant de renouer avec une navigation qui a du sens et non une “consommation” de “masse” de cette réserve (à noter que les voiliers, pinasses et kayaks de mer ne seraient pas concernés par cette contrainte de marée). Malheureusement, bien qu’ayant plus de 8000 membres sur fb, bien qu’ayant organisé des manifestations importantes comme celle contre les rejets de Smurfit au Wharf suite à l’accident en 2011 ou encore celle contre le SCoT en 2013, notre association et nos propositions restent ignorées des différentes parties qui s’affrontent dans cette histoire, ainsi que de la presse locale. C’est dommage car en restant campés sur vos positions, de part et d’autre, et sans faire force de propositions pragmatiques, cela restera un conflit ouvert qui est en train de donner une mauvaise image des plaisanciers et une mauvaise image des écologistes, selon le “camp” dans lequel on se trouve. Hors comme vous l’avez très justement observé dans votre article, une majorité de plaisanciers respectueux de la Nature se retrouvent pénalisés à cause de la connerie de quelques uns. Il faut absolument sortir de cette crise intelligemment, c’est dans l’intérêt de tout le monde.
Stéphane Scotto, président des Sentinelles du Bassin (la seule association de protection de l’environnement et de la qualité de vie du Bassin qui se prononce contre ce décret )
Bonjour Stéphane,
Votre proposition est intéressante afin de sensibiliser les plaisanciers à la fragilité de l’écosystème du Banc d’Arguin et afin de renouer avec l’esprit Bassin. Toutefois, elle a aussi ses limites. Nous pouvons par exemple citer le coût de cette demi-journée, les contraintes de vérification liées à ce permis (Est-ce que les usagers du Banc d’Arguin seront contrôlés ? Par qui seront contrôlés les plaisanciers ?), l’impression de “flicage” constant, etc. À notre avis, votre proposition est complexe à mettre en oeuvre dûe aux limites que nous venons d’évoquer. Toutefois, l’esprit de votre proposition est tout à fait ce dont nous avons besoin : réduire la consommation de masse à Arguin, sensibiliser les usagers à l’importance de veiller sur l’écosystème du Banc d’Arguin et préserver les libértés de tous les usagers du Bassin d’Arcachon.
Nous sommes conscients de la nécessité de trouver une conciliation, de se “mettre autour d’une table” et donc d’être ouverts à toutes les idées et points de vues. Nous espérons trouver une issue intelligente pour toutes les parties, et c’est des propositions telles que la votre qui peuvent permettre d’y arriver puisqu’elles font bouger les choses.
En vous souhaitant une très bonne journée,
Les équipes d’Ander Nautic, Arcachon Nautic et Biscarrosse Nautic.
Je vous rappelle que la migration des Oiseaux de fait de mai a juin et d’octobre a novembre.reglemente a ces périodes et foutez nous la paix le reste du temps.
Ca va mal finir cette affaire
Bonjour Patrick,
Merci pour votre commentaire. Il n’y a pas de raison que cela finisse mal si un dialogue calme et constructif est instauré, ce qui est compliqué actuellement. Si cela “finit mal” comme vous le dites, nous n’en serons malheureusement pas plus avancé.
Très bonne journée à vous,
Les équipes d’Ander Nautic, Arcachon Nautic et Biscarrosse Nautic.